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Photo du rédacteurSaraswati Korbanka

Le Cycle de la Transformation



Les premiers mots que Swami Muktananda — j'ai grandi dans son ashram à Ganeshpuri, en Indie — prononçait lorsqu'il s'adressait à nous étaient :

"Je vous accueille tous, de tout mon cœur."
Swami Muktananda

Nombre d'années ont passé avant que je ne comprenne la profondeur et la subtilité de cet accueil.


Pour accueillir quelqu'un complètement, on doit pouvoir de les accepter tels qu'ils sont — et le chemin vers l'acceptation est semé de douleurs et souffrance.


Ayant des désirs, on se heurte à la peur, la déception et à d'autres émotions plus sombres encore. C'est seulement en abandonnant l'attachement à ces désirs qu'on trouve la paix, en acceptant qu'on n'a aucun contrôle sur les choses — et que ce n'est pas grave.


Les évènements se succèdent et on les juge comme bons ou mauvais, on s'attribue prestige ou blâme. On croit qu'il doit forcément y avoir un gagnant et un perdant, un qui a raison et un qui a tort.


Mais est-ce vraiment le cas? J'ai toujours été convaincue que le Bien et le Mal sont des notions humaines, des jugements basés sur leur association avec le plaisir et la douleur. Un volcan en éruption est-il mauvais? Il est certes destructeur, il peut causer de la détresse — mais est-il fondamentalement mauvais? Le soleil est-il bon? Il permet la vie sur Terre, mais si on s'en approche trop il nous réduira à néant.


Les choses sont comme elles sont, c'est la manière dont on les interprète qui nous fait souffrir. Une fois qu'on accepte cette Vérité, notre vie change pour le mieux.


Ce concept est assez facile à accepter, mais beaucoup plus difficile à mettre en pratique dans notre quotidien, surtout quand on est en détresse. Lorsqu'une tempête arrive, tout ce qu'on peut faire est d'essayer d'y survivre comme on peut. On peut à peine respirer, encore moins penser. On cherche à se préserver par tous les moyens.


Et pourtant toutes les tempêtes finissent par passer. On se retrouve épuisé, meurtri, essayant de retrouver notre souffle, de comprendre ce qui vient de se passer et comment on va se relever. C'est LÀ le moment clef.


C'est à ce moment qu'on décide d'étiqueter les choses et les gens comme étant bons ou mauvais. Nous distribuons de la faute — soit on s'identifie comme une victime, soit on se tartine généreusement de culpabilité. Pensez à quelque chose que vous avez fait dont vous avez honte. Auriez-vous pu agir autrement? Vraiment?


Avec plus de discernement, peut-être. Mais aviez-vous ce discernement à l'époque?


La Douleur est Inevitable, la Souffrance en Option

Voici un guide, étape par étape, pour accepter que les choses sont simplement, sans y coller d'étiquette. C'est un processus simple mais effrayant, car il élimine les notions de "victime" et de "coupable," nous confrontant ainsi à nous-mêmes, à nos blessures et à nos peurs les plus intimes.


  • Étape 1 : Cessez de vous sentir coupable de "ne pas avoir été suffisamment (quoi que ce soit)." La culpabilité est inutile, on n'aurait pas pu agir autrement ou on l'aurait fait.

  • Étape 2 : Cessez d'en vouloir aux autres pour "ce qu'ils ont fait." Tout comme on n'aurait pu agir autrement, eh bien eux non plus.

  • Étape 3 : Les choses vont toujours mieux une fois la tempête passée. Pour que de nouvelles et meilleures choses arrivent dans nos vies, on doit laisser partir ce qui n'est plus utile.


N'étant plus victime de la vie, on prend conscience de la différence entre douleur (inévitable, neutre) et souffrance (auto-infligée, personnelle).


La croissance et l'évolution sont les éléments fondamentaux de la vie. On se cogne contre les mêmes murs, encore et encore, jusqu'à ce qu'on évolue. C'est douloureux, et on l'a tous vécu. Mais chaque épreuve est accompagnée d'un message, et une fois ce message compris, on grandit et on se retrouve dans un meilleur endroit.


Le rôle de la douleur, selon ma compréhension, est de nous permettre de LÂCHER les croyances qui nous retiennent dans un schéma. Pour que le nouveau remplace l'ancien, il faut d'abord se débarrasser de l'ancien... sans la douleur qui nous force à lâcher prise, en bonnes créatures d'habitude que nous sommes on s'accrocherait aux situations, personnes et choses qui sont devenues caduques.


Les effets secondaires de ces épreuves sont la compassion et l'empathie : ayant connu la tempête, on comprend quand quelqu'un d'autre est pris dedans. On se reconnaît les uns les autres, on peut se tenir la main lors de la traversée de zones d'ombre.


La souffrance cependant, ne sert à rien — en quoi aide-t-elle à grandir? La souffrance est l'ego qui s'accroche à l'état de victime, parce que l'ego a besoin de contrôle et panique lorsqu'il n'en a pas.


Le but de l'ego est de nous permettre de survivre : c'est comme un gros chien qui essaie de nous protéger. L'ego n'est pas notre ennemi — c'est notre chien de garde. L'ego grogne et aboie dès qu'il perçoit un danger potentiel. S'il vous plaît, remerciez sincèrement votre ego pour le bon travail qu'il a fait jusqu'ici. Ressentez de la gratitude pour cette partie de vous-même qui vous a gardé en vie jusqu'à aujourd'hui.


Cependant, en raison de sa nature, l'ego ne peut jamais faire confiance... tant qu'on le laisse nous guider, on se sent seul.


Le Cycle de la Transformation

Les plus anciennes Écritures de l'Hindouisme, les Védas, nous enseignent que tout est Un, indivisible et absolu. Pourtant, ce Un se manifeste en une infinité de formes apparemment différentes : cette illusion de division et de dualité s'appelle Maya, la grande illusion.

Brahma, Vishnu, Shiva

Ce Un — jouant avec les formes — se divise en trois principes fondamentaux, chacun représenté sous l'aspect d'un dieu : Brahma, Vishnu et Shiva.


Les nombreuses histoires d'une mythologie complexe les entoure, ainsi que la multitude de dieux et de déesses du panthéon hindou, illustrant différentes phases de la vie et nous aidant à les naviguer.


Brahma est le Créateur de l'univers et de tout ce qui s'y trouve. Il est accompagné de Saraswati, déesse de la connaissance. Une fois son travail de création terminé, il se détend et laisse les autres prendre le relais pendant une période de temps appelée un Jour de Brahma.


Vishnu, le Protecteur vient ensuite : sa tâche consiste à prendre soin de la création aussi longtemps qu'elle est censée durer. Sa compagne est Lakshmi, la déesse de la prospérité. Il s'incarne de temps à autre afin de rétablir l'équilibre dans la création lorsqu'il y a du désordre — parmi ses nombreux avatars sont Rama, Krishna et Bouddha.


Mais quand il est temps pour la création de prendre fin, Shiva le Transformateur sort de sa demeure montagneuse de l'Himalaya et se met à danser la Tandava, sa Danse Cosmique. Cette danse farouche et fatale fait trembler la création, la fissurant, l'effritant et finalement destruisant le chef-d'œuvre de Brahma.


Suit une Nuit de Brahma, d'une durée égale à son Jour. Puis Brahma se réveille et commence à créer... et ce cycle continue encore et encore, aussi longtemps que le Temps sera nécessaire.


Semblable aux rythmes de la nature — printemps, été, automne et hiver — cette séquence représente aussi notre propre Cycle de Transformation. Quand on est emporté par une tempête, on est entre les mains de Shiva, qui danse allègrement. Rassurez-vous, c'est une bonne chose!

Shiva dance sur Apasmara, le démon de l'ignorance

Il danse pour détruire les fausses certitudes qui nous séparent de notre vraie nature, qui n'est autre qu'Amour (son épouse est Parvati, déesse de l'amour).


Une fois notre réalité pulvérisée par Shiva, vient une Nuit de Brahma pendant laquelle, abasourdi, on se remet lentement.


De nouvelles opportunités se présentent alors : ah, qui l'eût cru? Brahma est à l'oeuvre. Réceptif à de nouvelles possibilités, on voit s'ouvrir des portes inattendues.


Suit une longue période durant laquelle on développe et explore nos nouvelles capacités, notre nouvelle identité.


Vishnu préside sur cette phase, et c'est auprès de ses avatars qu'on trouve du réconfort — je recommande la lecture du Ramayana (histoire de Rama) et de la Bhagavad Gita (texte philosophique sur la spiritualité et la vie) pour des conseils pratiques sur comment gérer les complexités de l'existence.


Finalement, Shiva est appelé à danser à nouveau. Et ainsi nous grandissons, cycle après cycle.


Shiva a récemment dansé pour moi, et c'était intense — j'en reprends à peine mon souffle. La poussière du passé lointain a été remuée et la douleur fut insoutenable.


Mais je choisis de ne point souffrir — la douleur m'a suffi, pas besoin d'y rajouter une couche, merci beaucoup. Maintenant que la tempête est finie, je ressens une profonde confiance, de la gratitude et de l'amour. Tout ira bien. D'autres tempêtes viendront, que je traverserai, que vous traverserez, et on avancera dans leur sillage.


Et donc, mes chers Compagnons de Voyage à travers la vie, je vous accueille tous, de tout mon cœur — quelle que soit la phase du cycle dans laquelle vous vous trouvez.



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