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Photo du rédacteurSaraswati Korbanka

Savitri & Satyavan

Une légende sur l'amour qui défie la mort


Aujourd'hui, le 20 juin 2020, nous célébrons la fête hindoue de Vat Savitri Vrat, qui met en lumière la persévérance, la vérité et la dévotion au travers de l'histoire de SAVITRI, racontée dans la grande épopée du Mahabharata.

Il y a bien longtemps, dans le royaume de Madra (le Punjab d’aujourd’hui) régnait le bon roi Ashwapati. Il avait plusieurs épouses, comme c'était la coutume à cette époque, et le palais résonnait de leurs voix heureuses — mais Ashwapati était malheureux, car il n'avait pas d'enfant.

Pendant 18 longues années, il pria le dieu solaire Savitr, et finalement le dieu le bénit. Quelques mois plus tard, une petite fille naquit au roi, et elle fut nommée Savitri en l'honneur du dieu.

Étant la seule enfant du roi, l’on enseigna à Savitri la musique, la littérature, l'astronomie et la philosophie — à une époque où les femmes recevaient peu ou pas d'éducation, c'était plutôt inhabituel. Elle grandit et devint une jeune femme agréable, belle et intelligente.

Cependant, lorsque le moment vint de lui trouver un mari convenable, aucun des rois des alentours ne voulait de sa main en mariage, car ils ne voulaient pas d'une femme plus savante qu'eux.

Un sage ministre conseilla au roi Ashwapati de laisser la princesse choisir son propre mari. Il fut donc convenu que Savitri, accompagnée par le ministre du roi, partirait en pèlerinage à travers de nombreux royaumes et visiterait tous les lieux saints sur son chemin. Son père lui donna pour instruction de chercher un mari qui serait digne d'elle.

Après plusieurs mois, en revenant de la ville sacrée de Varanasi, Savitri et le ministre traversaient une forêt lorsqu'ils rencontrèrent un jeune homme nommé Satyavan. Il était le fils du roi exilé Dyumatsena, devenu aveugle et chassé de son royaume par un usurpateur. Le roi et la reine s’échappèrent avec leur jeune fils et s’installèrent dans la forêt, y menant une vie simple et ascétique.

Savitri et Satyavan se trouvèrent attirés l'un vers l'autre, et elle rentra quelques jours plus tard chez son père, le cœur empli de joie.

"Père!" Savitri s'exclama joyeusement en arrivant au palais. “J'ai fait mon choix : Satyavan, le fils du roi Dyumatsena, sera mon époux. Bien que pauvre, il est l'homme le plus noble que j'aie jamais rencontré.”

Le sage céleste, Narada, qui rendait visite au roi à ce moment-là, l'entendit et ses yeux s’emplirent de tristesse. Il était doué de vision divine, et l'avenir lui était souvent révélé.

"Mon enfant," dit-il, "Satyavan a en effet toutes les vertus, étant véridique, noble, courageux et intelligent. Mais son destin est de mourir dans exactement un an à partir de ce jour…”

À cette époque en Inde, la vie d'une veuve n'était pas enviable, même pour une princesse : le remariage n'était pas autorisé, et les veuves étaient un fardeau pour la société et souvent mises à l’écart. La famille de Satyavan étant exilée et pauvre, Savitri n'aurait personne pour s'occuper d'elle si elle s’entêtait dans sa décision.

“Je l'ai déjà choisi, Ô sage. Tout comme la mort ne vient qu'une fois, et comme l’on offre un cadeau une fois seulement sans en réclamer le retour, j'ai choisi mon époux et ne le ferai qu'une seule fois, que sa vie soit longue ou courte."

La voyant déterminée, le sage Narada et le roi Aswapati la bénirent tous les deux, et le mariage fut bientôt célébré. Savitri et Satyavan firent ensemble les sept pas rituels autour du feu sacré pour sanctifier leur union, puis la mariée fit ses adieux à ses parents avant de partir avec Satyavan et ses parents vers leur humble demeure forestière.

Acceptant qu'elle n'avait que peu de temps à passer avec son époux bien-aimé, elle apprécia chaque instant passé avec lui. Troquant ses habits somptueux contre des vêtements sobres et le luxe auquel elle était accoutumée contre une vie de simplicité, elle fut très heureuse pendant l'année qui suivit.

Trois jours avant le jour fatidique, Savitri prononça solennellement le vœu de Tritara pour se purifier : elle ne mangerait ni ne dormirait pas pendant trois jours. Le matin de la fin prédite de Satyavan, elle l’accompagna dans la forêt — elle ne l’avait jamais fait auparavant, et Satyavan fut très heureux de sa compagnie.

Alors qu'il coupait du bois pendant l’après-midi, son corps baigné de sueur, Satyavan se trouva soudainement mal. S’allongeant pour se reposer sous un banian, il sentit une douleur terrible lui envahir les membres. Il posa la tête sur les genoux de Savitri, espérant dormir un peu… mais bientôt son corps devint raide et il cessa de respirer.

L'instant d'après, une silhouette apparut. Vêtu de rouge et couronné d'or, c'était Yama, le Seigneur de la Mort. Plaçant un nœud coulant sur le corps de Satyavan, il tira doucement et en recueillit l’âme — une petite ombre, pas plus grande qu’un pouce.

Aussitôt, le corps de Satyavan perdit son éclat, devenant immobile et gris comme un rocher. Yama se tourna et commença à s'éloigner. Savitri se leva doucement et entreprit de le suivre. Au bout d'un moment, entendant le tintement de ses bracelets de cheville, le dieu tourna la tête et la vit.

"Pourquoi me suis-tu, mon enfant?" dit-il.

"Là où va mon époux, Seigneur, moi aussi je dois aller."

Yama soupira. “Retourne d’où tu viens, mon enfant. Tu as cheminé avec lui autant qu’il est possible d’accompagner un être humain.”

Savitri baissa la tête et répondit: “Seigneur, il est dit que de marcher sept pas ensemble créé l’amitié — j'ai fait plus de sept pas avec toi. C'est un immense honneur que d'avoir un ami tel que toi.”

Le Seigneur de la Mort fut charmé par ces mots. “Tu es touchante, mon enfant. Demande-moi ce que tu veux — a part la vie de Satyavan, que je ne peux te donner. "

"S'il te plait, Seigneur, redonne alors la vue à mon beau-père Dyumatsena."

"C'est fait," dit-il. "Maintenant, tu dois rentrer."

Mais Savitri ne bougea pas. Elle remercia tant et tant Yama, que flatté, il lui offrit un deuxième vœu. Savitri demanda à ce que le royaume de son beau-père lui soit rendu.

"Qu'il en soit ainsi," dit Yama en souriant, surpris qu'elle ne demande rien pour elle-même. “Maintenant, va-t-en. Tu ne peux aller plus avant."

“Dans la vie autant que dans la mort, je suis l’épouse de Satyavan. Je dois le suivre,” répondit Savitri.

"Mais il est allongé là-bas dans la forêt — tu dois rentrer afin de t’occuper de ses funérailles."

“Ô noble Dharmaraja, Seigneur de la Vérité et de la Justice, pourquoi me testes-tu? À quoi sert le corps quand l'âme le quitte?”

Yama, ravi par sa sagesse, lui offrit un autre vœu.

“Mon père n'a d’autres enfants que moi,” murmura Savitri, les yeux baissés. “Lui accorderais-tu des fils pour poursuivre sa lignée?”

"Qu'il en soit ainsi. Mais tu dois t’en retourner maintenant, car tu es déjà allée trop loin.”

Savitri s'inclina. “Ô Dharmaraja, qui mesure la Loi de la Vie et de la Mort de manière égale à tous les êtres vivants, être en ta présence est en effet une grande bénédiction. J'ai beaucoup de chance."

Ses mots firent fondre le cœur de Yama. Il décida d’accorder une dernière grâce à cette remarquable jeune femme. "Mon enfant, demande-moi une dernière chose, ce que tu veux à l’exception de la vie de ton mari."

Savitri dit timidement, "Permets alors que j'aie moi aussi de nombreux fils, Ô grand Seigneur."

“Qu'il en soit ainsi, mon enfant. Maintenant, va-t-en.”

"Mais Seigneur, comment puis-je avoir des enfants si mon mari est mort?"

Yama en eut le soufflé coupé. Les douces paroles de Savitri et ses vœux désintéressés l'avaient enjôlé — le Seigneur de la Mort, de la Vérité et de la Justice était coincé, et il le savait. Il sourit lentement, puis éclata de rire.

“Ah, Savitri, tu as un grand cœur et un esprit brillant! Je libère ton mari. Vivez longtemps heureux, tous les deux!” Et avec ces mots, Yama disparut.

Son cœur battant à tout rompre, Savitri revint en courant là où Satyavan était allongé sous le banian. Elle s'assit et posa la tête de son époux sur ses cuisses. Il reprit des couleurs, puis ouvrit les yeux et la regarda tendrement. “Il semblerait que je me sois endormi longtemps. Regarde, il fait déjà nuit!”

Savitri se mit à rire. En rentrant vers le petit ermitage où ses parents les attendaient, elle lui raconta ce qui s'était passé.

En arrivant à la maison, ils furent accueillis par un Dyumatsena stupéfait. Plus tôt dans la journée, le roi aveugle avait soudainement retrouvé la vue! Au moment où il s’intérrogeait sur ce miracle, un envoyé porteur de nouvelles arriva — l'usurpateur avait été vaincu et le peuple réclamait le retour de leur roi bien-aimé. Une procession était en route pour ramener les exilés dans leur royaume.

Dans les années qui suivirent, à la grande joie de Savitri elle apprit que ses parents eurent de nombreux fils. Satyavan et elle eurent aussi beaucoup d'enfants. L'une après l'autre, toutes les grâces de Yama se réalisèrent. Par son intelligence, sa persévérance, son humilité et son dévouement, Savitri fit la fortune de tous ses proches.

Lorsqu'on lui demanda comment elle avait accompli un tel miracle, elle répondit simplement, “J'ai loué le divin Seigneur, mais je l'ai fait avec honnêteté.”

À ce jour, la mémoire de Savitri est commémorée. Les femmes mariées jeûnent pendant trois jours, comme Savitri, et enroulent sept fois du fil autour d'un banian en priant pour le bien-être de leurs proches. Le Vat (banian) sacré, sous lequel Savitri et Satyavan étaient assis dans la forêt, est honoré en souvenir de leur grand amour.



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